Porsche 911 R : la lettre mythique de Porsche

Posez là dans la rue à côté d’une 911 de la même époque et peu de gens verront les différences. La 911 R est du genre discrète. Fluide, harmonieuse, presque fluette. Pas d’aileron disgracieux ou d’ailes élargies. Ses spécificités esthétiques ont tellement été copiées par les adeptes du back dating qu’elles passent presque inaperçues aujourd’hui. Elles sont pourtant nombreuses. Le but : alléger au maximum une 911 déjà pas bien lourde pour en faire une bête de compétition. Pas moins. Les grilles en dessous des phares avant disparaissent au profit de simples entrées d’air. Les clignotants sont réduits à leur plus simple expression. Le vitrage est aminci et fait appel à des matériaux synthétiques. Les vitres de custodes en profitent pour se doter d’ouïes de ventilation. Les pare-chocs sont réduits à la portion congrue et même l’élégante grille de capot moteur disparait au profit d’un simple grillage. Le châssis est encore celui des premières 911, à empattement court. La trappe à huile apparait pour la première fois dans l’histoire de la 911 sur l’aile arrière droite alors que la trappe à carburant migre au milieu du capot pour accélérer le remplissage du réservoir. Même les badges ont disparu au profit de simples stickers. La chasse au moindre gramme superflu a été menée jusqu’au bout. L’intérieur joue la carte du dépouillement total avec de simples sangles de cuir pour ouvrir les vitres. Deux baquets minimalistes, trois compteurs, un volant. Il n’en faut pas plus à Gérard Larrousse en 1969 pour emporter avec elle le Tour de France Auto et le Tour de Corse. Deux épreuves aux antipodes, ce qui prouve bien l’étendue des talents de cette rareté dont seuls 23 exemplaires ont été produits (4 voitures d’essais-prototypes et 19 voitures de production). Il faut dire qu’avec son flat 6 issu de la compétition (c’est le moteur de la Porsche 906) et 230 kg de gagnés sur la balance, la 911 R est une machine à performances, capable d’occuper les avant-postes sur circuit comme sur les spéciales de rallye les plus sinueuses. Pourtant, sa carrière sportive sera de courte durée. Extrêmement chère à l’achat à sa sortie, bien peu de pilotes privés ont les moyens de se l’offrir. Plus ennuyeux encore, elle est difficilement éligible dans la plupart des championnats internationaux de l’époque. Fin de l’histoire… L’une des plus rares et recherchées (donc chère…) des Porsche de course de l’histoire est aussi l’une des moins titrée. Vous avez dit maudite ?

Près de 50 ans s’écoulent avant que Porsche ne décide de ressusciter cette lettre mythique en l’associant à nouveau à sa 911. Superstition ? Cette fois-ci, c’est la 991 qui s’y colle. Nous sommes en pleine vague spéculative et tout ce qui porte un nom prestigieux voit son prix s’envoler. C’est pourtant à ce moment que Porsche décide de présenter cette série limitée à 991 exemplaires aux accents rétro évidents. Prenant pour base la 991 GT3 RS et ses 500 ch atmosphérique, la 991 R va à l’essentiel. Adieu l’aileron gigantesque et la boîte PDK, bonjour les baquets en carbone à motif pied de poule et la bonne vielle boîte mécanique à 6 rapports. A l’ancienne ! Pour les plus nostalgiques, la voiture (disponible en Blanc ou Argent GT) peut se voir habillée d’une double bande contrastante rouge ou verte traversant ses capots et son toit, rappelant ainsi sa glorieuse ainée. Des stickers « Porsche » assortis peuvent habiller les bas de caisse. Le PCM peut être retiré sur simple demande afin de coller au maximum à l’esprit minimaliste du concept. Au final, avec 1370 kg, c’est la plus légère des 991. Forcément, tout ça attise la convoitise des amateurs de Porsche, mais aussi des spéculateurs. On voit des bons de commande s’échanger avec un prix largement doublé par rapport à celui du catalogue (192 845 €). Des clients fidèles de la marque se voient privés d’un achat légitime à leurs yeux et des dents commencent à grincer. Certains affirmant même que Porsche l’aurait fait volontairement pour entretenir la demande sur sa 991… Le tir est vite corrigé par la maison mère qui dégaine rapidement une 991 GT3 Touring pour tenter de se faire pardonner auprès de ses précieux clients habitués. La recette est sensiblement la même mais prend pour base la 991 GT3 phase 2 dont la puissance atteint également 500 ch. L’aileron fixe est remplacé par un modèle rétractable plus discret et seule une boîte 6 vitesses mécanique est disponible. La série n’est pas numérotée, mais elle est présentée tardivement et le nombre d’exemplaires de GT3 est limité par les capacités de productions de l’usine. A tel point que lorsqu’elle est présentée en 2017, la 991 GT3 Touring est immédiatement indisponible. Certains auront néanmoins la chance de faire modifier leur bon de commande de GT3 en version Touring. Les autres ruminent encore leur colère. Quant à ceux qui avaient payé le prix fort une série limitée un an auparavant, son caractère exclusif fut pour le moins émoussé avec l’arrivée de cette 991 GT3 Touring à l’esprit et aux performances bien comparables à ceux de leur précieuse 991 R… Vous avez dit maudite ?

Dieu merci, le temps de la spéculation est passé et une 991 R garde tout le prestige de sa précieuse rareté. Elle est déjà un collector et même si sa cote n’a rien à voir avec celle de sa prestigieuse ainée (on parle de plusieurs millions d’euros…), ses propriétaires peuvent se targuer d’avoir fait une excellente affaire. Un modèle en parfait état se négocie près de 300 000 € et sa cote est admirablement stable. Finalement, ce sont les passionnés qui sont récompensés. Un conseil, si vous avez la chance d’en posséder une, gardez-là !

Texte rédigé par Fabien Caron