C’est une personnalité unique, intraitable et visionnaire que vient de perdre le monde automobile. Considéré comme le grand artisan de la création du groupe Volkswagen (incluant Porsche, notamment), il a régné sur l’automobile allemande pendant plus de deux décennies.
Fils de Louise Porsche et d’Anton Piëch, Ferdinand Piëch est né en Autriche, à Zell am See. Il est le fils de Ferdinand Porsche, le fondateur de la firme éponyme.
Un jeune brillant et ambitieux
Animé de grandes ambitions, le cousin de Ferry Porsche fait ses débuts dans l’entreprise familiale en 1963, à seulement 26 ans, en tant qu’ingénieur motoriste. Il prendra rapidement la direction de ce département avant de prendre la tête du département Recherche & Développement en 1969.
C’est sous sa houlette que les programmes de compétition chez Porsche prennent une ampleur sans précédent. Sa seule obsession est de concevoir les voitures de compétition qui permettront à Porsche de remporter les plus grandes courses d’endurance. C’est sous l’égide de Ferdinand Piëch que naîtront les prototypes qui ont façonné le mythe Porsche : la 906, première Porsche de course à châssis tubulaire, puis les 907, 908 à moteurs 8 cylindres à plat, jusqu’à la 917 qui sera la première Porsche à remporter les 24 heures du Mans.
Enorgueilli par la moisson de gloire et de succès que remportent ses prototypes, Ferdinand Piëch finira par affirmer ses ambitions avec un peu trop d’insistance. Il estime avoir la légitimité nécessaire pour prendre la direction du constructeur automobile, mais ses programmes de compétition ont fragilisé les finances de Porsche. Le désaccord est total au sein de la famille Porsche, au point de faire vaciller l’entreprise pendant quelques temps. En 1972, un conseil de famille présidé par Ferry Porsche tranche la question : aucun membre de la famille Porsche (et donc de la famille Piëch) ne sera désormais autorisé à occuper un poste opérationnel au sein de l’entreprise familiale.
Un nouveau départ
Piëch quitte la firme et entre chez Audi, filiale de Volkswagen qui lui confie la direction technique. Trois ans plus tard, il entre au directoire d’Audi. A l’époque, Audi était un fabricant en déconfiture. La course aux innovations (dont le révolutionnaire système de transmission intégrale Quattro), des titres mondiaux en rallye et une politique inébranlable de montée en gamme ont transformé Audi en un leader mondial du premium allemand.
En 1993, Ferdinand Piëch est nommé président du groupe Volkswagen et est chargé de relancer un groupe au bord de la faillite, plombé par une stratégie hasardeuse et des coûts de développement ruineux. Son intransigeance lui permettra de restaurer la rentabilité du groupe allemand avant de se lancer dans une frénésie d’acquisitions : Lamborghini, Bentley, Ducati pour son anniversaire, Bugatti, les camions Man viennent s’ajouter aux marques Volkswagen, Audi, Seat et Skoda déjà détenues par le groupe.
Du capitole à la roche tarpéienne
La consécration interviendra en 2009 lorsqu’il parviendra à fusionner Porsche, l’entreprise familiale, et le groupe Volkswagen au terme d’une bataille financière qui opposa les deux groupes pendant deux ans. Cette victoire signera la toute puissance (et la revanche) de Ferdinand Piëch sur l’ensemble du groupe Volkswagen et de Porsche. Aujourd’hui, la famille Porsche détient toujours 52% des droits de vote du groupe Volkswagen.
La révélation du « dieselgate » démontrant que Volkswagen a truqué des voitures afin de les rendres moins polluantes en situation de tests a considérablement fragilisé sa position de président. Bien que Martin Winterkorn, jugé responsable direct, soit limogé, les projecteurs restent braqués sur Ferdinand Piëch. Ses manœuvres afin de nommer un autre de ses poulains à la direction opérationnelle du groupe finiront par excéder les autres membres de la famille, qui le contraindront à la démission afin d’éviter l’humiliation que serait un renvoi par son conseil d’administration. Ecoeuré, Ferdinand Piëch revendra la totalité de ses parts du groupe et prendra sa retraite en 2017.
C’est cependant l’image d’un visionnaire, véritable passionné d’automobile et à la recherche permanente de nouveaux défis techniques que l’histoire retiendra. Des autos telles que la Bugatti Veyron, la minimaliste Volkswagen XL1, la Porsche 917 ou l’Audi Quattro n’auraient probablement jamais vu le jour sans lui. A ce titre, il mérite probablement sa place au Panthéon de l’automobile au même titre que Gottlieb Daimler, Henry Ford ou celui qu’il rêvait probablement d’égaler, Ferdinand Porsche.